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Elle avait alors vingt-quatre ans.

Désirable encore avec ses formes charmantes, ses yeux rieurs et d’un bleu caressant, sa peau d’un blanc transparent, son heureux naturel, elle n’en commençait pas moins à désespérer, pleine d’appréhension. Dans un an elle serait cataloguée dans le registre des vieilles filles. Bon gré mal gré, il lui faudrait incliner ce front charmant pour être coiffée par sainte Catherine. En voilà une sainte du paradis qui n’est pas populaire parmi nos belles.

Aujourd’hui ce n’est plus la même chose. Autres temps autres mœurs. À vingt-cinq ans, Mademoiselle vous toise du haut de ses vingt printemps. Si l’homme meurt plus tôt, la femme vieillit plus tard.

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Un soir d’octobre, soir désolé s’il en fut jamais, alors que les feuilles mortes étaient emportées en tourbillons par la pluie et le vent dans le ciel sale, ma tante regagnait le logis, la tête basse.

Elle faisait d’amères réflexions sur l’injustice du sort qui s’acharnait à elle, alors que d’autres moins bien douées voyaient la fortune leur sourire.

Soudain, elle tressaillit. Ses yeux venaient de tomber sur un fer à cheval, en face de la place du Marché.