Page:Girard - Contes de chez nous, 1912.djvu/168

Cette page a été validée par deux contributeurs.
– 168 –

***

Toinette n’était pas laide ; elle était même, à ses heures, fort jolie. Quelques-uns prétendaient qu’elle était la belle du village. Il se rencontrera partout des gens qui s’emballent. Chose certaine, Toinette, elle, ne se trouvait pas d’égale.

Son père, un « marchand général » très à l’aise, n’avait que cette fille-là. Il l’habillait comme une demoiselle de la ville. C’était son affaire. Quand on a vingt ans, un gentil minois, de fins cheveux d’ébène, des yeux noirs qui grisent, une taille souple et ronde, ce n’est pas un bien gros péché que de faire ressortir tous ces avantages. Et c’est ce que faisait la belle avec une application édifiante.

Malheureusement, Toinette, bien qu’honnête, était la créature la plus coquette, la plus présomptueuse, la plus flirt, la plus dangereuse, qui ait jamais vu le jour dans la vallée de Saint-Gabriel.

Sa suprême ambition, eût-on dit, le but unique de son existence de villageoise, était de s’accaparer les hommages de la jeunesse à vingt milles à la ronde. Elle s’en faisait accroire et voulait en faire accroire. Ses succès ne flattaient que sa vanité, car elle avait le cœur sec. Se rencontrait-il une rivale sur sa route, elle devenait méchante, ne reculant même pas devant ces médisances et ces calomnies qui mutilent des bonheurs.

Quels stratagèmes n’avait-elle pas employés pour attirer dans ses mailles l’ami de Rosalyne ?… Parce qu’il