Page:Girard - Contes de chez nous, 1912.djvu/165

Cette page a été validée par deux contributeurs.
– 165 –

Ce n’était certes pas d’avoir marché vite que la jeune fille était si rose.

— Vous m’avez fait peur, dit-elle, pour dire quelque chose et cacher son trouble qui grandissait sous le regard juvénile et ardent attaché sur elle.

Julien était un original. Ses antécédents, personne ne les connaissait. Il demeurait à Saint-Gabriel depuis quatre ou cinq mois. Pourquoi avait-il planté là sa tente plutôt qu’ailleurs ? Mystère.

Le jeune homme — on lui donnait de vingt-cinq à trente ans — vivait en ermite dans une maisonnette blanche qu’il avait payée argent comptant. La vieille Marjorie, que son âge et sa laideur mettaient au-dessus de toute insinuation perfide, faisait le nettoyage et la cuisine.

Naturellement, dans les premiers temps, la conduite étrange de Julien lui valut une certaine quantité de commérages. Mais, comme il menait une vie réglée, qu’il ne levait pas le coude, ne manquait pas la messe, avait fait ses Pâques, on finit par le laisser en paix.

Bien plus, ayant demandé comme faveur spéciale de prendre la place de l’organiste, qui venait de mourir, et de sonner les cloches de l’église en briques rouges, tout cela sans rémunération aucune, il s’acquit l’estime et l’amitié de M. le curé et, conséquemment, des paroissiens.

Il partageait son temps entre la lecture et de longues promenades solitaires sans ne jamais avoir avec les gens du village que de simples rapports de courtoisie.