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ne sera pas dit que j’aurai laissé conduire cet homme au poste le jour de Noël parce qu’il a oublié dans un estaminet son moyen de locomotion.

À l’agent de la paix qui saisissait déjà le pochard au collet :

— Laissez-moi, dit-il, le soin de reconduire cet homme chez lui, je le connais.

Naturellement, Marius n’était pas sans appréhender les efforts héroïques et le temps exigés pour faire réintégrer le domicile à ce pitoyable représentant de l’espèce humaine.

Après avoir, de peine et de misère, obtenu l’adresse voulue, il commença sa promenade moins que sentimentale à travers les rues parfois mal éclairées de la basse-ville, jusqu’au moment où il eut le sincère plaisir de héler une voiture de place.

Il était temps.

Avec une ingratitude sans égale, Leroux, qui ne voulait pas de son cicerone, avait presque complètement arraché les boutons de la pelisse fourrée du jeune guide.

Enfin, on arriva !

Pourquoi, déjà en retard, Marius franchit-il le seuil enneigé de la masure ? Voilà une curiosité dont il ne se rendit pas compte.

Chose certaine, il ne devait jamais oublier le spectacle qui s’offrit à ses regards.

Assise près d’un poêle sans feu, une jeune fille berçait deux enfants.