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— Ah oué, c’est comme ça Brunel, tu veux que j’aille me jeter à tes genoux ? Eh ben, vas-y voir mon fiston ! Mais je t’en donne ma parole de Bigué, y s’fauchera ben des blés avant que ton gars convole avec ma Louise !

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Louise Bigué était, sans contredit, la plus jolie fille de Champlain, bien que, généralement, on la trouvât un peu maigrichonne et qu’elle eût les dents irrégulières. Mais toute sa petite personne était si bien proportionnée, ses yeux de mésange étaient si enjôleurs, sa bouche si mignonne, son nez droit et court si régulier, son oreille si fine et si bien dessinée ! Avec cela qu’elle était pieuse comme une nonne du bon Dieu, et travaillante comme une ménagère qui n’a que ses dix doigts pour fournir la miche à sa nichée. Son père en était fou, et souvent, quand il l’embrassait, il la soulevait de terre comme une plume pour porter à la hauteur de ses lèvres larges et minces cette bouche si petite et si rose.

Philippe Brunel, le gars de Noé, était un timide comme son père. C’était le seul survivant, avec un frère aîné, de cinq enfants, deux garçons et trois filles. Il avait la blondeur des blés avec des yeux verts pailletés de jaune. Quand, le dimanche, il se rendait jusqu’à Batiscan ou à Sainte-Anne de la Pérade dans le bogie de son père, les jeunes filles se retournaient pour ad-