croyait être de la volonté et de l’énergie. Quand il avait dit oui, c’était oui, mais quand il avait dit, non, il eût préféré perdre la moitié de ses biens plutôt que de revenir sur sa décision. Au fond c’était un excellent homme, charitable à ne pas faire de distinction entre un véritable gueux du bon Dieu et un vagabond des grandes routes, et qui payait deux dîmes pour une. Bien qu’il tutoyât tout le monde, personne ne s’en offensait. Il lui était arrivé même de ne pas voussoyer M. le curé. Alors Narcisse Bigué avait dit pour excuse :
« Sauf vot’ respect, Monsieur le curé, faut pas m’en vouloir, c’est affaire d’accoutumance ».
Depuis deux ans, Bigué était maire du village et président du conseil de la fabrique. On le donnait pour l’un des cultivateurs les plus à l’aise du comté. Ses terres, converties en orge et en foin, couvraient une superficie de cent quarante arpents.
Des amis avaient voulu le pousser à la députation, mais comme il avait lu les fables de LaFontaine, il s’était rappelé celle de la grenouille qui creva pour avoir voulu se faire plus grosse que le bœuf. Et il était resté chez lui.
Noé Brunel, le voisin et le compagnon inséparable de Narcisse Bigué, était tout l’opposé de ce dernier, peut-être pour ne pas faire mentir les proverbes — qui mentent si souvent — que les extrêmes se touchent. Petit, grêle, barbu jusqu’au pommettes des joues, le visage en lame de couteau de poche, il était, quand il s’adressait