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tion qui a fort grand air dans un sonnet ou une pastorale, ou qui résonne harmonieusement aux oreilles flattées des commettants à la veille des élections générales, mais assez pénible quand il faut engranger par une chaleur de 93 degrés au-dessus.

Le jeune homme donc n’avait pas tardé à vendre la terre. Il gardait la maison ancestrale. Assez fortuné pour vivre sans extravagance, trop indolent pour achever ses études classiques, il opta pour la carrière de rentier de village.

Les débuts de cette existence oiseuse furent marqués de commentaires pour le moins peu approbateurs. Mais comme Césaire était la bonté même, qu’il donnait largement aux kermesses du village, payait régulièrement sa dîme, et ne faisait pas le fier, on le laissa vivre à sa guise. Les jupons de la riante paroisse de Bécancourt lui gardèrent toujours, il est vrai, un peu rancune de ce qu’il ne convola jamais. Mais lui, fort du conseil de saint Paul : « Mariez-vous, vous faites bien, ne mariez-vous pas, vous faites mieux », il avait continué son petit bonhomme de chemin et laissé dire. Il couchait seul et mangeait à l’auberge.

« C’est un original », voilà ce qu’on répondait à ceux qui s’enquéraient de mon oncle Césaire.

Où donc ce célibataire passait-il ses longues journées ? Là où je l’ai toujours vu : à la forge de Lucien Gagnon. Beau temps mauvais temps, il se rendait en cet endroit, couvert de son imposant castor.

Et, comme il prenait de son couvre-chef un soin ex-