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PINDARE

mées sur l’exil, sur la guerre, sur la chute des tyrans de sa patrie, chacun de nous sent que de pareils chants n’auraient pas eu de peine à le toucher. Nous nous associons facilement aussi par l’imagination à l’émotion qu’excitaient ces antiques formes du dithyrambe, où les épreuves merveilleuses de Bacchus, sa sortie du sein de sa mère foudroyée, sa mort, sa résurrection, ou bien encore les aventures d’un héros national, provoquaient des effusions de joie et de douleur. Les ïambes eux-mêmes, surtout ceux d’Archiloque, ces satires virulentes qui, dit-on, transportaient l’antiquité d’admiration, ne nous laisseraient pas insensibles à l’énergique expression de ces haines publiques et privées dont les objets nous sont inconnus. Toutes ces passions semblent étrangères à Pindare, et notre besoin d’émotions cherche vainement où se prendre dans cette sérénité souveraine.

Il ne connaît pas davantage la douce sensibilité de Simonide, qui, comme lui et avant lui, avait été le poète des triomphes et des fêtes, et qui cependant nous a laissé quelques vers, où une tendresse infinie respire sous l’enveloppe élégante dont son art a revêtu la légende de Danaé. Il n’y a pas de tendresse chez Pindare. Porte-t-il au moins en lui quelque chose de cette mélancolie tellement en honneur depuis un siècle chez les modernes, qu’ils