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ÉPICHARME

Il faut d’abord se représenter Épicharme dans les conditions où il composait ses comédies, admis à la cour polie et magnifique de Gélon et de Hiéron, les princes les plus puissants et les plus riches de la Grèce, avec cette élite de génies, Simonide, Pindare, Eschyle, dont la présence, plus d’une fois renouvelée, y suppose le goût et l’intelligence de tout ce que la poésie put mettre dans ses plus belles œuvres de science délicate et d’élévation. Sans doute, à côté d’eux, il pouvait y avoir place pour des talents bien différents, et l’on comprend très bien que Hiéron ait aimé en même temps les hardiesses bouffonnes de la comédie ; ainsi, au théâtre d’Athènes, le même public applaudissait, après la trilogie tragique, le drame satirique qui complétait la représentation. Il est même probable qu’Épicharme, fixé à Syracuse et familier du palais, fut de la part du souverain l’objet d’une faveur plus marquée et plus constante, et qu’il put s’y livrer plus librement à son naturel. Un trait conservé par Plutarque[1] nous donne un exemple de la hardiesse spirituelle qu’il portait dans cette familiarité avec le tyran. Hiéron l’invitait à dîner peu de jours après avoir fait périr quelques-uns de ceux qu’il admettait dans son intimité. Le poète lui répondit : « Tu sacrifiais dernièrement, et tu

  1. De adulat. et am., p. 68, a.