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ÉTUDES SUR LA POÉSIE GRECQUE

dition de farces bouffonnes qui, transformées par l’art d’Épicharme, devaient donner ses premiers modèles à la comédie de mœurs et d’intrigue.

Il ne semble pas, en effet, que la satire politique ait pénétré dans la colonie sicilienne. L’histoire n’a conservé le souvenir d’aucune révolution qui, par une destruction durable ou momentanée de la constitution dorienne, y ait donné accès à une pareille licence. En tout cas, une fois transporté de Mégare à Syracuse, où il donna sans doute la plupart de ses pièces, Épicharme n’aurait pu suivre sur ce point l’exemple de la mère patrie. Il est donc probable que chez les Mégariens de Sicile la liberté de l’insulte n’exista pas et qu’il y eut en général plus de réserve. D’un autre côté, ils trouvaient dans les dispositions de leur nouvelle patrie de quoi développer leur goût pour les facéties. Les Siciliens passaient dans l’antiquité pour avoir un tempérament particulièrement enjoué et caustique. « Jamais les Siciliens, dit Cicéron, ne sont en si mauvaise passe qu’ils ne disent quelque plaisanterie. » De plus, dans ces riches cités commerçantes de la Sicile et de l’Italie inférieure, le goût du plaisir était extrême ; les fêtes s’y multiplièrent à l’infini : à Tarente, il y en avait plus que de jours non fériés, au témoignage de Strabon. Celles de Bacchus s’y célébraient avec une passion dont les kermesses de la Hollande donnent à peine l’idée aux mo-