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ÉPICHARME

On s’autorise, il est vrai, de quelques lignes de Plutarque auxquelles il a été fait allusion plus haut, sur l’argument de l’accroissement, pour restituer quelque scène à la façon de Molière. C’est M. Lorenz qui a eu l’idée de cette restitution assez ingénieuse. On se rappelle la consultation donnée à Sganarelle par le philosophe Marphurius et les coups de bâton par la vertu desquels le pyrrhonien reprend conscience de la réalité de son existence. Or nous lisons dans Épicharme que l’homme change perpétuellement, qu’il n’est pas le même aujourd’hui qu’hier, et l’on cite des formes de l’argument qui porte son nom, où l’invité d’hier n’est pas invité aujourd’hui, où un débiteur s’autorise de ce principe pour nier une dette contractée la veille. Mettez ces sophismes en action, supposez un hôte refusant sa porte à celui qu’il a invité le jour précédent, ou plutôt mettez le débiteur en présence du créancier et se défendant contre les réclamations de celui-ci avec ses armes philosophiques : « Tu ne m’as pas demandé hier cette somme ? — Celui qui l’a demandée n’est plus. — Quoi ? n’est-ce pas toi-même qui l’as reçue ? — Je n’existais pas. » De même dans Molière : « Mais en l’épousant, je crains… — La chose est faisable. — Qu’en pensez-vous ? — Il n’y a pas d’impossibilité. — Mais que feriez-vous, si vous étiez à ma place ? — Je ne sais. » Et rien n’empêche de croire