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L’ALEXANDRINISME

Quand les poètes sont si habiles à décrire, en général, ils s’entendent moins à combiner une action. Les combinaisons dramatiques sont faibles chez Apollonius. Il n’enchaîne pas, ne fait marcher l’action que péniblement et n’arrive aux scènes intéressantes que par des préparations laborieuses. Rien de plus gauche, malgré des détails spirituels, que la manière dont il ménage le tête-à-tête de Jason et de Médée, cette scène qui est le triomphe de son art. Jason, qui nécessairement doit arriver seul au rendez-vous, part avec deux compagnons, Argus et Mopsus. On comprend, à la rigueur, qu’Argus le conduise ; neveu de Médée, il a servi d’intermédiaire et, menacé par la colère de son aïeul Éétès, il est directement intéressé au succès de cette délicate négociation. Mais à quoi bon la présence de Mopsus ? On découvrira tout à l’heure qu’il est le plus nécessaire des deux, car, en sa qualité de devin, il comprend le langage des oiseaux, et il va se rendre fort utile en faisant usage de cette faculté. En effet, le hasard voudra qu’il rencontre en route une corneille qui, du haut d’un peuplier, le saluera de cette apostrophe satirique : « Le fameux devin qui n’est pas capable de trouver ce que savent même les petits enfants, qu’une jeune fille ne dira pas un mot de douceur ni d’amour à un jeune garçon, s’il vient accompagné !… » Mopsus sourit et reste à l’écart avec Argus. Voilà donc la présence de Mop-