Page:Girard - Études sur la poésie grecque, 1884.djvu/343

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
329
L’ALEXANDRINISME

nautes, quels qu’en eussent été les caractères primitifs, et quand même les grandes idées épiques, comme l’idée religieuse d’expiation, y auraient tenu dans l’origine une place importante, était devenue de bonne heure, par un mouvement naturel, presque exclusivement une légende d’aventures ; et parmi ces aventures la plus intéressante, l’aventure décisive, puisque d’elle avait dépendu le succès de l’entreprise, était l’enlèvement de Médée avec ses causes et ses conséquences, la violente passion de l’héroïne, ses enchantements, ses fureurs de jalousie et de vengeance. Il y avait là une riche matière, sur laquelle s’exercèrent de préférence les poètes, surtout les tragiques et les élégiaques, et où, depuis Euripide, la peinture de l’amour prit une importance croissante. Les élégies d’Antimaque, puis celles de Callimaque, apportèrent à Apollonius une tradition poétique si bien établie, qu’il ne pouvait guère se dispenser de la suivre.

Voilà une première raison qui explique l’étendue des développements sur Médée dans le poème des Argonautiques. En voici une seconde : c’est que l’amour figurait au premier rang dans les goûts littéraires des alexandrins comme dans les mœurs de leur société. Il était la principale inspiration de ces recueils célèbres d’élégies de Philétas, d’Hermésianax, de Phanoclès, d’Alexandre d’Étolie, qu’avait suscités l’imitation de la Lydé d’Antimaque. L’ima-