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L’ALEXANDRINISME

rable de son poème, celle où est peint l’amour de Médée, le poète a laissé une trace profonde et durable. Il a eu la gloire d’inspirer Virgile dans le quatrième livre de l’Énéide : quel titre aux hommages de la postérité ! et comme les autres épiques alexandrins, Euphorion, Rhianus, et Callimaque lui-même avec son Hécalé, restent loin derrière lui ! Une chose bien remarquable, c’est que le poète qui, au début, avait été proscrit par le Musée, s’est trouvé en définitive élever le monument de l’alexandrinisme. Les Argonautiques en sont l’œuvre la plus forte, et c’est, de plus, celle qui a survécu.

Ce fait aujourd’hui est le plus intéressant pour la critique. Il restait à l’étudier, même après l’analyse du caractère de Médée qui a été faite, il y aura bientôt quarante ans, par Sainte-Beuve[1]. Dans le premier zèle de cette demi-révélation qui rappelait au public l’existence d’un poète de grand talent, Sainte-Beuve n’est pas toujours assez éloigné de combler l’immense intervalle qui sépare Apollonius de Virgile. Pour lui, Apollonius est un ancien, et ce terme général, sous lequel pendant si longtemps on a confondu dans la critique d’art les diverses périodes de la sculpture grecque et même la sculpture grecque et la sculpture romaine, lui

  1. La Médée d’Apollonius (Revue des Deux-Mondes, 1845, t. III, p. 890 et suiv.).