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L’ALEXANDRINISME

de mort qu’il souhaite à l’objet de ses malédictions ? À coup sûr, s’il a pris quelques traits à l’original grec, ils y sont noyés. L’élégie satirique de Callimaque devait être plus courte et plus nerveuse. Du reste, le plus important n’est pas d’en rétablir par hypothèse la nature et le contenu, mais de bien distinguer les causes qui lui inspiraient ce morceau de polémique haineuse.

S’il poursuivait son adversaire avec tant d’animosité, c’est que lui-même, malgré sa victoire, il se sentait profondément atteint. Chez Apollonius il pouvait blâmer la banalité, — et c’est ce qu’il paraît lui avoir reproché bien plutôt que des plagiats ; — il pouvait critiquer une abondance peu soucieuse d’élégance et de distinction : « Le cours du fleuve d’Assyrie est large, disait-il, mais il entraîne dans ses eaux beaucoup de boue et de débris. » Et il ajoutait à sa propre louange : « Les prêtresses n’apportent point à Cérès une onde puisée indifféremment partout, mais celle qui, pure et sans mélange, découle goutte à goutte d’une source sacrée et qui en est comme la fleur la plus exquise. » Cependant cette fleur si exquise n’était que celle d’une grâce tout extérieure, et ce filet d’eau, quelque pur qu’il fût, paraissait parfois bien mince. Les côtés faibles d’une poésie qui, de parti pris, renonce à la grandeur, qui ne pénètre pas dans l’homme et s’arrête à la surface, n’ont pas échappé aux juges