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L’ALEXANDRINISME

et extatique, remuait les Syriennes et même les Athéniennes, qui, échevelées et se frappant la poitrine, se lamentaient sur la mort du beau jeune homme en qui se personnifiait la nature envahie par le froid et la stérilité de l’hiver. Dans la fête célébrée par Arsinoé, cette passion a complètement disparu ; c’est un simple spectacle ; c’est presque déjà un divertissement mythologique, comme ceux qu’on arrangera pour la cour de Louis XIV. On y trouve même le compliment à la famille royale. Si Arsinoé, dit la chanteuse, a paré si magnifiquement l’amant de Cypris, c’est par un sentiment de reconnaissance filiale ; c’est pour remercier la déesse d’avoir versé l’ambroisie dans le sein de Bérénice et opéré son apothéose. Cette indifférence sur le fond, cet appareil extérieur, cette magnificence froide et chargée et cette élégance recherchée dans le détail, c’est l’alexandrinisme.

Ces conclusions ressortiraient peut-être avec plus d’évidence encore comme les conséquences naturelles de l’interminable description, qui se lit dans Athénée, des splendeurs mythologiques que Ptolémée Philadelphe avait déployées dans une procession dionysiaque. Qu’on se reporte par la pensée vers la vraie capitale de la Grèce, qu’Alexandrie venait supplanter, vers Athènes ; qu’on se figure un instant la procession des Panathénées, où sont réunis tous les représentants de la cité, vieillards