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ÉTUDES SUR LA POÉSIE GRECQUE

d’Hardion[1], pour qui l’aveuglement de Daphnis est un aveuglement métaphorique. Cela veut dire que, sous l’empire de Vénus, il est aveuglé par une passion furieuse. Et une fois engagé dans ce symbolisme moral, Hardion, qui reconstitue très sérieusement l’histoire du berger sicilien, découvre que, dans Théocrite, les paroles de Priape et la querelle de Vénus et de Daphnis signifient qu’en réalité, celui-ci, « après avoir tenu dans sa première jeunesse une conduite sage et réglée, se serait abandonné dans la suite à la violence de son tempérament, à une débauche excessive. » Et voilà comment les bonnes mœurs trouvent une sanction de plus dans l’exemple de Daphnis. Revenons à la poésie grecque.

Ce qu’il faut dire, c’est que la mythologie de la nature est vraiment une de ses principales sources ; non seulement au temps où, sous des influences orientales, la poésie contribue à la célébration de certaines fêtes comme celle d’Adonis, mais dès son origine, dans son expansion la plus libre et la plus purement hellénique : Homère est tout pénétré de cette mythologie de la nature. C’est le mérite de Théocrite de s’être mis, en composant le chant de Daphnis, sous les impressions de mythologie agreste d’où paraît être sortie la figure du beau berger sicilien, personnification délicate et idéale de la vie

  1. Mémoires de l’Acad. des inscr., t. VI.