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LA PASTORALE DANS THÉOCRITE

gination populaire, avait pris de bonne heure un développement assez complexe dont les traits principaux paraissent résumés par Diodore[1]. Dans la plus charmante vallée des monts Héréens qui formaient la partie la plus douce et la plus fertile de l’Etna, au milieu des bois et des sources, était né, d’Hermès et d’une nymphe, Daphnis, ainsi nommé des lauriers (Daphné, en grec) qui remplissaient ces lieux de leurs fleurs odorantes et de leur fraîche végétation. Élevé par les nymphes auxquelles la vallée était consacrée, ou bien il y faisait paître ses riches troupeaux de bœufs, ou bien, dans les solitudes sauvages, il suivait les chasses d’Artémis, charmant la déesse par les sons de sa syrinx et par ses chants. Sa merveilleuse beauté lui gagna l’amour d’une nymphe, qui lui prédit que, s’il la trahissait, il perdrait la vue. Malgré la pureté de ses intentions, il ne put échapper à cette destinée. La fille d’un roi l’enivra et triompha de sa constance. Puni de cette faute involontaire, il errait aveugle et désolé dans la montagne. Une tradition, inconnue de Diodore ou négligée par lui, le fait même périr en tombant dans un précipice[2].

À première vue, cette légende paraît composée de deux éléments : elle contient d’abord une my-

  1. IV, 84. Voir aussi Élien, Var. histor., X, 18.
  2. Schol. de Théocr., VIII, 93.