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ÉTUDES SUR LA POÉSIE GRECQUE

avait attaché son nom. Plus tard, dans les écoles, les applications s’étaient multipliées. Ainsi l’on avait pris pour exemple la galère sacrée de Délos, réputée toujours la même depuis le temps où elle avait transporté Thésée en Crète, quoiqu’on en eût renouvelé successivement toutes les pièces. Ou bien on disait qu’un débiteur ne devait rien à son créancier, puisqu’il n’était plus le même qu’au jour de l’emprunt ; qu’un invité de la veille venait dîner sans invitation, puisque l’homme d’aujourd’hui est autre que celui d’hier. On était donc arrivé à des sophismes analogues à ceux du tas de blé et du chauve.

Ces subtilités dialectiques, dont le principe, sinon tous les développements et toutes les formes, était attribué à Épicharme, nous autorisent du moins à reconnaître en lui un esprit singulièrement délié, quel que fût d’ailleurs le degré de sérieux qu’il mettait dans son invention. Et, à ce propos, il n’est pas indifférent de remarquer qu’avant les Syracusains Corax et Tisias, qui passent pour les inventeurs de la rhétorique, il avait trouvé une figure, une construction logique ou un enchaînement progressif de conséquences, qu’Aristote désigne par un nom particulier[1], en rappelant comme un fait connu l’usage qu’en avait fait Épicharme. En voici un exemple :

  1. ἐποικοδόμησις, superstructure. De gener. amim., I, 18 (p. 724, a, 28, Bekker).