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ÉTUDES SUR LA POÉSIE GRECQUE

des oreilles rustiques, s’abandonnant à de courts élans de sensibilité et de poésie pour retomber aussitôt dans la réalité familière ; c’est la grâce, naturelle ou étudiée, qui est répandue sur tout : c’est enfin le ton bucolique, qui consiste dans le rythme des vers autant que dans la mesure et le caractère des sentiments.

Je m’étonne que Saint-Marc Girardin, habitué à suivre les idées littéraires dans leurs évolutions à travers les peuples et les siècles, n’ait pas, quand il a touché à la pastorale, cédé à la tentation de caractériser les différentes formes que revêt l’allégorie suivant les mœurs. Sans doute sa critique ingénieuse et spirituelle nous aurait offert plus d’une comparaison piquante entre le Lycidas de Théocrite et les bergers italiens ou français. Mais je crois qu’il se serait surtout arrêté à rapprocher de l’inventeur du genre le premier et le meilleur de ses imitateurs latins, à comparer Théocrite et Virgile. C’est chez eux qu’existe réellement une lutte pour introduire la nature et la vérité champêtre dans une donnée artificielle. Et encore, quelle différence entre l’original grec et son élégant émule ! Virgile se suppose assis au milieu de ses chèvres et tressant une corbeille avec des tiges grêles d’hisbicum, pendant qu’il chante la douleur amoureuse de Gallus et cherche ainsi à lui ramener sa maîtresse infidèle : où y a-t-il là même un semblant