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LA PASTORALE DANS THÉOCRITE

poésie ; et Lycidas, sans doute en réalité un poète très civilisé, subit d’avance si complètement le charme de ces légendes de bergers tant de fois redites, il s’éprend d’un tel enthousiasme pour le chevrier Comatas merveilleusement sauvé par les muses, qu’il s’écrie lui-même : « Ô bienheureux Comatas… que n’es-tu de nos jours au nombre des vivants ! Je ferais paître tes chèvres dans les montagnes en écoutant ta voix… » Le même mélange existe dans la chanson de Simichidas ou Théocrite. Avec une élégance tout anacréontique, il appelle les Amours, « pareils à des pommes rougissantes, » pour qu’ils percent de leurs flèches l’insensible objet de la passion du poète Aratus ; mais il confie aussi les intérêts de son ami à une divinité pastorale, à Pan, qu’il menace, pour stimuler son zèle, de la flagellation superstitieuse que les Arcadiens infligeaient à sa statue, et il termine en conseillant à l’amant malheureux d’user d’un remède tout populaire, de s’adresser à quelque vieille qui, en crachant, le délivre de ses maux.

Cette incomplète analyse suffit pour faire voir la diversité des éléments que Théocrite a voulu rapprocher ; mais ce qu’elle ne fait nullement saisir, ce sont les intentions et les effets ; c’est l’impression d’une naïveté, parfois presque puérile, s’intéressant à chaque détail, avide de toutes les notions vraies ou merveilleuses qui peuvent parvenir jusqu’à