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ÉTUDES SUR LA POÉSIE GRECQUE

même en scène sous les traits d’un jeune berger naïf, plein de confiance dans son talent naissant de poète et pressé de le produire. Et, à ce propos, remarquons que cette observation pourrait bien décider d’une manière générale la question de date. En effet, ce plaisir que Théocrite prend à marquer ces traits de jeunesse, cette ironie avec laquelle il les dessine pour en faire un portrait, dont on ne saurait garantir la ressemblance, autorisent à supposer un assez grand intervalle entre la date de cette composition et le temps qu’elle dépeint : ce n’est pas sur ce ton qu’un jeune homme fait les honneurs de sa personne. Ajoutons qu’un passage satirique contre les émules impuissants d’Homère semblerait indiquer qu’alors Théocrite avait lui-même renoncé à toute velléité épique et choisi décidément sa voie.

Il y a une chose incontestable, c’est que ces allégories pastorales, dans la nuance saisie par le poète, ont le plus souvent une saveur fort piquante. Voyez la chanson de Lycidas, ces vers d’une grâce alexandrine et d’une si douce élégance, aboutissant au tableau de la fête champêtre par laquelle il se promet de célébrer le succès de ses amours. Quel ingénieux mélange de recherche délicate et de simplicité pastorale ! Ce sont les légendes bucoliques de Daphnis et de Comatas que chantera, pendant le repas, le pâtre sicilien chargé d’y introduire la