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LA PASTORALE DANS THÉOCRITE

Il y a dans Homère d’autres peintures d’un style moins élevé et d’un art moins délicat, où paraît ce qui formera le fond primitif de l’idylle bucolique, ce qu’elle empruntera directement à la nature : la vie rustique avec les sensations qui lui sont propres, rendues simplement et dans leur plénitude. Même dans les peintures du bouclier d’Achille, où le poète décrit une œuvre d’art et ne reproduit pas immédiatement la réalité, certains traits saisissent l’imagination. Ainsi, après le tableau de l’activité des moissonneurs et des botteleurs, cette image du roi qui, sur la ligne des javelles, le sceptre à la main, se tient muet et le cœur pénétré de joie, c’est la jouissance que procure l’abondance des biens de la terre personnifiée sous la forme expressive de cette sorte de royauté patriarcale. « À l’écart, sous un chêne, ajoute Homère, des hérauts préparaient pour le repas un grand bœuf qu’ils avaient sacrifié, tandis que les femmes, pour la nourriture des travailleurs, le saupoudraient abondamment de blanche farine. » C’est bien cet idéal primitif qui plus tard reparaîtra si souvent dans les rêves de l’humanité fatiguée : la vie renfermée dans la satisfaction facile des besoins les plus simples, après le travail matériel qui sollicite la nature à pourvoir à la subsistance de ses enfants.