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LA PASTORALE DANS THÉOCRITE

ses ressources et de ses effets. N’oublions pas d’ajouter qu’en achevant de façonner à son usage ces formes convenues, cet excellent artiste les assouplit et qu’il reste libre en s’y enfermant. S’il a moins de richesse et de science que les lyriques, auxquels il se rattache par certains côtés, il a plus d’abandon. Son travail ressemble à celui des habiles ciseleurs dont la main, en traçant avec netteté les lignes régulières de simples volutes ou même de figures symétriques, communique au bois ou au métal nu principe de souplesse et de liberté. L’enveloppe poétique s’adapte donc bien aux formes particulières de son esprit ; et, dans ces œuvres à contours étroits, il se montre lui-même tout entier. C’est-à-dire qu’il déploie des mérites de premier ordre. Presque constamment la justesse du trait, la force pénétrante de l’expression, qui en un instant charme, émeut ou peint, la vivacité du tour et la puissante franchise de l’effet captivent le lecteur. Ce sont, dans un genre inférieur, les grandes qualités de la poésie antique ; et c’est pour cela que, si Théocrite, par son temps et la nature de ses œuvres, se place à la fin de la période classique, on ne peut cependant lui faire franchir le seuil de la décadence. C’est encore un maître ; il vient le dernier, si l’on veut, dans la phalange sacrée des maîtres de l’art grec, mais il y est admis et marche avec elle.