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L’ANTIGONE DE SOPHOCLE

que le chœur prononce immédiatement après. Sans entrer dans une discussion de détail, qui porterait du reste sur des questions de langue et de goût toujours délicates à résoudre, souvenons-nous que de sérieuses raisons doivent nous faire hésiter à employer ces moyens extrêmes. D’abord les vers particulièrement soupçonnés étaient authentiques aux yeux d’Aristote, qui les cite comme de Sophocle au troisième livre de sa Rhétorique. Ensuite et surtout, nous devons nous mettre en garde contre un penchant naturel à ramener aux idées modernes les mœurs antiques, quand celles-ci nous surprennent où nous répugnent. Il n’est guère de faute de critique à la fois plus commune et plus pernicieuse à l’intelligence des ouvrages anciens ; c’est les dépouiller de leur caractère et de leur vie propre. Replaçons-nous donc d’abord, autant que possible, au point de vue grec.

On a souvent rapproché de ces paroles d’Antigone le langage prêté par Hérodote à un de ses personnages, la femme d’Intapherne, qui, ayant le pouvoir d’arracher à la mort ou son mari, ou un de ses enfants, ou son frère, se décide en faveur de celui-ci, et explique cette préférence par les mêmes raisons données presque dans les mêmes termes. L’analogie est frappante, et il est très possible qu’elle ait été cherchée. S’il était prouvé