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ÉTUDES SUR LA POÉSIE GRECQUE

métaphysique ingénieuse est étrangère au drame grec et en général dénuée de sens dramatique ? Sans doute cette jouissance élevée et délicate que donne au théâtre la vue d’un chef-d’œuvre n’est pas uniquement produite par la peinture de la souffrance et de l’infortune ; mais, quelles que soient les conditions auxquelles y est soumise une pareille peinture et quelques difficultés qu’elles présentent à notre étude, croyons-en d’abord les Grecs eux-mêmes. Avant les modernes, écoutons Aristote, qui nous dit que le but de la tragédie est un soulagement particulier de l’âme obtenu par la terreur et par la pitié, et non pas une satisfaction de l’intelligence. Le principal a toujours consisté et consistera toujours dans la passion et dans le pathétique, sans lesquels les pensées profondes laissent le public froid. Cette vérité si simple n’a pas trouvé place dans les conceptions abstraites de Hegel, et, ce qui peut surprendre davantage, elle semble oubliée par des hommes qui ont vécu dans la poésie grecque et ont beaucoup fait en Allemagne pour en avancer la connaissance. Ils sont en effet les vrais continuateurs de Hegel, sinon ses disciples volontaires. Le terrain était si bien préparé autour d’eux par le philosophe, que l’explication de Boeckh parut la vérité même dès le jour où il la publia. Il ne fut plus guère question de l’appréciation si sensée de Schlegel lui-même. Le caractère