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ÉTUDES SUR LA POÉSIE GRECQUE

tiquité. Celui-ci, dans sa Rhétorique, ayant à définir la justice et les lois, s’appuie à deux reprises sur la célèbre réponse d’Antigone à la question menaçante de Créon, lui demandant comment elle a osé enfreindre les lois qu’il a promulguées :

« Ces lois, ce n’est pas Jupiter qui les a proclamées ; ce n’est pas la justice, compagne des divinités infernales, qui a édicté de pareilles lois parmi les hommes, et je n’ai pas pensé que tes décrets eussent assez de force pour te donner, à toi mortel, le droit de transgresser les lois non écrites et inébranlables des dieux, car ce n’est pas d’aujourd’hui ni d’hier, c’est de tout temps qu’elles vivent, et nul ne sait depuis quand elles ont apparu à la lumière. Je ne devais donc pas, par crainte de la menace orgueilleuse d’un homme, encourir à leur sujet la punition des dieux. »

Sophocle, en instituant par la bouche de la jeune fille cette belle opposition entre les lois humaines, ne se doutait assurément pas de tout ce qui en devait un jour sortir. Aristote, lui, reste assez fidèle à la pensée du poète : il la dépouille de sa grandeur religieuse, mais du moins la commente dans son vrai sens, en profitant de cette bonne fortune qui lui offre pour texte de sa définition de magnifiques vers, présents à toutes les mémoires. Antigone, d’après son interprétation, invoque con-