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PINDARE

les du rêve ; souvent elles naissent d’une imagination échauffée sous le souffle de la poésie du Nord, qui se complaît dans sa propre ivresse et aime à créer dans le vide. Cette sorte de fièvre est étrangère à l’art grec, dont, en général, les belles œuvres, filles saines et vigoureuses d’un pays de lumière et de vérité, supportent et demandent, pour être bien vues, le plein jour où elles sont nées.

Ces idées ne sont pas particulières à notre sujet. Elles s’imposent chaque fois que des ouvrages, fortement marqués du caractère moderne, méritent d’être comparés aux ouvrages antiques et nous sollicitent à nous élever jusqu’aux principes supérieurs de l’art. Indiquons un dernier trait, qui paraîtra peut-être plus précis. Nous reconnaissions en commençant que Pindare manque de tendresse et n’est pas dramatique. Du moins son fier génie est-il pénétré par un sentiment profond des secrètes tristesses de l’âme humaine. C’est pour cela que ses odes, magnifiques au début, remplies d’images éclatantes et de mouvements superbes, semblent souvent s’adoucir et se calmer en finissant, pareilles à une harmonie qui s’éteint : souvent les dernières paroles, au moment où meurent les derniers sons de la lyre, laissent, après la glorification des victoires ou des destinées célèbres, une impression plus grave et plus recueillie. Telle