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PINDARE

éclaire le passé et le présent l’un par l’autre, profiter de ce rapprochement pour mieux sentir les différences, et ne pas hésiter à reconnaître qu’elles sont grandes et tout à l’avantage de Pindare. Il doit d’abord sa supériorité à la langue de son pays et de son temps, qui, malgré plusieurs siècles de brillante existence, n’est pas immobilisée dans des formes fixes, mais, pleine de sève et toujours prête à s’accroître, se plie aux transformations avec la souplesse d’un corps d’adolescent. Il en résulte que les hardiesses y sont naturelles, qu’elles s’y multiplient impunément, et que le goût apporte moins d’entraves à un poète qui d’ailleurs ne connaît guère ni les impropriétés ni les incertitudes, mais porte dans son œuvre cette sûreté de main particulière à l’art antique.

Il y a, de plus, dans ce style si facilement riche, une rapidité et une variété qui n’admettent ni l’amplification, ni des procédés de développement commodes comme l’énumération. L’amplification, legs impérissable de la rhétorique latine, notre éducatrice, est contraire au lyrisme grec. Ces répétitions de formules, qui, dans une énumération, offrent au mouvement poétique comme des points d’appui où il peut se reprendre, auraient paru aux Grecs d’une intolérable monotonie. Pindare possède une trop grande richesse de tours, son allure est trop forte et trop souple pour qu’il