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PINDARE

réflexion qui a été nécessaire pour en arriver là se rattache particulièrement au développement de la prose, et surtout aux laborieuses études dont l’éloquence fut l’objet pendant des siècles dans les écoles de la Grèce et de Rome. C’est en ce sens qu’il est vrai de dire que les chefs-d’œuvre de la littérature française ont un caractère oratoire. Mais, avec Pindare, il ne s’agit ni de prose ni d’éloquence pratique ou savante ; il s’agit de poésie, et cela chez une nation encore toute poétique : la prose commençait à peine à construire ses premières phrases, sèches et gênées, quand depuis quatre cents ans et plus, tous les Grecs étaient faits aux formes riches et souples, vives et brillantes de la poésie. Du temps de Pindare, c’est à peine s’ils en concevaient d’autres, et à coup sûr nul d’entre eux ne se serait avisé des exigences méthodiques de l’esprit moderne.

Du reste, les véritables œuvres d’art, même en littérature, ne se modèlent pas sur des types définis de composition régulière. Prenez le discours de Démosthène sur la Couronne, ou une oraison funèbre de Bossuet, ou un ouvrage dramatique de premier ordre : une analyse méthodique ne nous en fera saisir qu’imparfaitement l’intime et vivante unité. Celui qui se bornerait à étudier dans Eschyle, ou même dans Sophocle, le développement suivi des caractères et des passions et l’enchaînement des