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ÉTUDES SUR LA POÉSIE GRECQUE

pieds… Que la fille de Nérée ne mette pas deux fois dans nos mains des suffrages de discorde… » Les dieux subissent son ascendant et se soumettent.

L’imagination de Pindare est donc libre au milieu de tous ces mythes curieusement adaptés à son sujet. Son esprit ne l’est pas moins. Il ne s’enchaîne pas à la lettre d’une seule légende religieuse et ne se préoccupe pas d’orthodoxie ni de constance dans le détail. Il semble même qu’on l’en ait blâmé, car, dans une de ses odes, il se défend avec insistance auprès des Éginètes d’avoir calomnié un Éacide Pyrrhus, en adoptant sur sa mort une version qui lui était défavorable. C’était, nous dit un commentateur, dans un péan chanté à Delphes, où, d’après une tradition, Pyrrhus avait péri dans une querelle avec les prêtres au sujet de la possession des viandes d’un sacrifice. On voit ce qui était arrivé : à Delphes, Pindare n’avait pas chargé les Delphiens. C’est ainsi qu’il fait naître Homère tantôt à Smyrne, tantôt à Chios ; qu’il donne tour à tour pour patrie au dithyrambe, le chant inspiré de Bacchus, Corinthe, Naxos et Thèbes. Parmi les mythes et les légendes, il choisit sur un même fait, et sans se croire lié par son propre choix, ce qui convient au pays où il chante. Il choisit aussi ce qu’il préfère, et il est facile de reconnaître sa prédilection pour les mythes thébains, ou plus