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ÉTUDES SUR LA POÉSIE GRECQUE

une matière si délicate, il soit toujours facile de démêler la vérité ni de la dire dans la juste mesure. M. Croiset lui-même ne se flatterait pas d’y avoir toujours réussi, ni d’avoir toujours nettement distingué la part d’invention du poète.

Suffit-il de dire, par exemple, que Pindare raconta le premier, dans la VIIe Isthmique, la prédiction par laquelle Thémis apaisa la querelle de Zeus et de Poséidon, se disputant l’hymen de Thétis, et de lui attribuer ainsi la vulgarisation d’un mythe local jusque-là inédit ? Le nom de Thémis figurait-il ou non dans les légendes thessaliennes où il avait puisé ? Nous n’en savons rien ; mais la chose est assez indifférente. Ce qu’il importe de remarquer, c’est que le mythe, c’est-à-dire l’action vivante de la divinité, n’existe que grâce à Pindare ; c’est son œuvre, son invention. Il le compose d’après les procédés consacrés de la poésie grecque ; il fait comme avait fait Homère ; la seule différence vient des progrès de l’art et de la pensée religieuse.

Le poète de l’Iliade développe ce thème, que les vents Borée et Zéphyre, à la prière d’Achille, viennent enflammer le bûcher de Patrocle ; Iris arrive, chargée de cette prière, au palais de Zéphyre, où un banquet réunit tous les Vents ; en la voyant apparaître sur le seuil, tous se lèvent, et chacun l’invite à prendre place près de lui ; elle refuse, s’acquitte de son message, et quelques magnifi-