Page:Girard - Études sur la poésie grecque, 1884.djvu/106

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
92
ÉTUDES SUR LA POÉSIE GRECQUE

conquérant. On se rendait ensuite en grande pompe au temple, où il suspendait sa couronne. Même quand, à la suite du sacrifice, le festin magnifique, qu’accompagnaient les sons de la lyre et les chants, avait lieu dans une demeure particulière, la fête n’avait pas un caractère privé ; c’était une fête patriotique, car elle était donnée aussi en l’honneur des ancêtres, qui, mêlés à l’histoire et aux origines mythologiques de la ville et antiques dépositaires de ses destinées, en étaient restés les illustres patrons.

Quelle était la poésie qui convenait à de pareilles circonstances ? Répondre à cette question, c’est définir la poésie de Pindare. Ces mâles harmonies, cette langue sonore, ce flot étincelant d’images, c’est l’expression même, poétique et musicale, de la solennité qu’on célèbre. Et ces brillantes apparitions de figures héroïques, ces légendes brusquement coupées par des réflexions sur la condition humaine et des allusions au présent, cette abondance d’idées qui se pressent, cette éblouissante mobilité de la Muse, n’est-ce pas précisément ce que demande un pareil jour ? Il faut alors aux Grecs un état d’excitation à chaque instant renouvelé par la succession rapide de vives impressions. Cette fête des oreilles et de l’imagination, Pindare la leur donne, et c’est pour cela qu’ils le jugent le premier des lyriques. Nous nous plaignons qu’il