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LE MÉLODRAME 69

Ses victoires mômôs désarmeraient-elles l'ombrageux Sénat, s'il se faisait connaître, en rejetant le nom d'Ed- gar ? Le hasard lui fournit l'occasion de prouver com- bien sa condamnation fut injuste, et il se décide au dessein le plus hardi. Cet Orsano, qui l'a fait proscrire, conspire lui-même contre Venise, et il a formé un complot dont Vivaldi a été instruit par miracle. Un bandit fameux à Florence, Abelino, est tombé entre ses mains, et il lui a arraché son secret ; c'est lui qui, sur les ordres d'Orsano, devait frapper le Doge.

Que Vivaldi puisse établir ce crime d'Orsano, le con- fondre et sauver l'Etat, et, cette fois, comment ne rentrerait-il pas en grâce ? Pour arriver à son but, il lui faut jouer une longue comédie, avant d'être maître du dénouement. Il aura simultanément <( trois visa- ges ».

Pour son fidèle ami Alfieri, son confident, il sera Vivaldi.

Pour le Doge, il sera Edgar, général d'armée, venu l'avertir qu'il court un danger, car il ne lui révèle d'abord, prudeniment, qu'une partie de la vérité.

Pour Orsano, il jouera le rôle de cet Abelino, qu'il a réduit à l'impuissance et de qui il a obtenu le signe de reconnaissance convenu avec les conjurés.

Il <( manœuvrera » donc sous ces trois aspects. Le Doge se fiera à son appui ; Orsano verra en lui l'homme qu'il a chargé de frapper le Doge. Et Vivaldi accomplirait son œuvre telle qu'il l'a conçue, si sa tendresse pour Rosemonde ne se mettait à la traverse. Il sait, par Alfieri, le désespoir de sa femme, qui le croit mort, et il ne peut s'empêcher de la rassurer par un billet où il dit qu'il travaille à la rejoindre : ce billet tombe entre les mains d'Orsano (c'est le point faible de la pièce, au milieu d'inventions ayant une manière d'imprévu). Il suffit de guetter Vivaldi quand, sans travestissement, cette fois, il pénètre dans l'ap-