t)2 LE MÉLODRAME
M. Dufour, en lui disant ces simples mots : (( Vieillard imprufient, lisez ! » M. Dufour lit, et demeure stupé- fait : « Plus d'hymen, plus d'amour, s'écrie-t-il ; la douleur et la haine, voilà le partage de ma triste vieillesse. »
Stéphany. — Expliquez-vous ! '
Cœlina. — Parlez, mon oncle !
Dufour, la repoussant. — Je ne suis point votre oncle.
Tous. — Ah ! mon Dieu.
Dufour. — Non, elle n'est point ma nièce, c'est l'enfant du crime et de l'adultère !
{Francisque llumhert parait accablé.)
Stéphany. — Mon père, on vous trompe !
Dufour, lui présentant le papier. — Lisez !
Stéphany, voyant la signature. — Truguelin ! C'est une ca- lomnie.
Dufour. — Lisez !
Stéphany, cVune voix tremblante. — « Cœlina n'est poiïit votre nièce ; elle n'est point la fille de votre frère. Il fut trompé par sa coupable épouse. Faut-il, hélas ! que cette femme criminelle ait été ma sœur. Isoline eut cet enfant d'un misérable sans état, sans fortune, sans mœurs. Je vous envoie son extrait de baptême : vous y verrez qu'elle ne porte point le nom de votre frère et que, en un mot, elle vous est parfaitement étrangère. »
Dufour, lui tendant Vacte de baptême. — Lisez !
Stéphany, Usant. — « bxtrait du registre de baptême de la paroisse Saint-Etienne de Servaz. Cejourd'hui, 11 mai 1764, sur les dix heures du soir, a été baptisée Suzanne-Cœ-lina, fille d'Isoline Truguelin et de Francisque Humbert. »
Cœlina. ~ Vous, mon père ! {Francisque lui tend les bras et ellej^précipite.]
L a voix du sang a toujours un grand rôle dans le théâtre de Pixerécourt. Cœjim comprend soudain pourquoi ce triste muet lui inspirait un si vif intérêt. Mais la colère de M. Dufour éclate :
Dufour, s' adressant à Francisque Ilumbert. — Quoi, malheureux ! non content d'avoir déshonoré mon frère, tu as osé t'introduire ici poui' solliciter ma pitié et me laisser contracter l'alliance la plus honteuse ! Va-t'en, sors de ma présence, et emmène avec toi le fruit de ton coupable amour!