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en fin de compte, avons-nous perdu de la sensibilité, surtout, puisque, pour se dépenser, elle veut discuter avec elle-même.

11 faut se souvenir que, en 1800, l'ordre se rétablis- sant, la société redevenant peu à peu normale, cette sensibilité qui avait dû, pendant des années rudes au spectacle de bouleversements prodigieux se refermer, en quelque sorte, avait alors un grand besoin de s'épancher, comme si elle eût une revanche à pren- dre ; il faut se rappeler aussi que tant de choses in- croyables s'étaient passées qu'il n'y ava^it" pas dé li- mites bien précises à l'impossible. Au milieu de la tourmente révolutionnaire, tant de situations particu- lières avaient été romanesques! Qui sait même si on n'avait pas quelque peine, après de formidables se- cousses, à s'habituer à une existence n'étant plus faite de catastrophes ?

La lajngue employée par Ducray-Duminil, aggravée de celle de Pixerécourt, est ridicule. Pouvons-nous nous flatter que les productions actuelles de la litté- rature courante ne paraîtront pas aussi comiques à l'avenir ?

Dans Cœlina, du moins, il y avait une réaction contre les fantômes, les souterrains, les péripéties purement extérieures auxquelles ne devait pas toujours renon- cer, d'ailleurs, l'auteur dramatique, et il y avait, com- parativement aux autres pièces du temps, une sobriété relative d'action, encore que cette action nous paraisse abondante et touffue. L'aventure était presque contem- poraine ; elle se passait dans un milieu simple et il y avait une tentative de dessin de caro.ctères, pour sommaire qu'elle fût. En vérité, il faut bien chercher à justifier ce triomphe de Cœlina, puisque ce fut une manière d'événement dramatique. On ne fait pas l'his- toire d'un temps en se bornant à s'en moquer.

Homme de théûtre, Pixerécourt avait vu là un rôle destiné à produire un effet considérable et il ne s'était