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46 LE MÉLODRAME

deux théâtres étaient prêts à, la jouer. Villeneuve eut un argument qui décida aussitôt le jeune auteur : il lui offrit cinq cents francs pour la propriété de l'ou- vrage.

La cairière lui apparaissait facile et il débutait sous d'heureux auspices. Mais il n'allait par tarder à voir qu'il y a loin de la coupe aux lèvres. Bien que la pièce eût été payée, Villeneuve ne la joua pas : un de ses acteurs, La Chapelle, avait été arrêté et condamné à mort ; il éprouvait le besoin de donner des preuves de civisme, et il représentait, en hâte, des pièces pa- triotiques composées avec non moins de hâte par sa femme.

D'ailleurs, la réquisition réclamait Pixerécourt à Nancy. 11 dut quitter Paris, pour être enrôle au 11^ ré- giment de cavalerie. Ainsi, par un retour de circons- tances qui ne laissait pas d'être curieux, l'émigré de la Légion de Gondé servait la République, et il devait avoir été soldat dans les deiux camps.

Pendant qu'il portait l'uniforme national et qu'il maniait le sabre, il trouvait encore le moyen de pren- dre la plume. Il avait tâté du théâtre et y songeait tou- jours. Sa verve s'inspira assez imprudemment d'un incident singulier qui s'était produit à Nancy, où un certain Mauger, ayant pris le prénom de Marat, avait, pendant quinze jours, bouleversé la ville, fait des ré- vocations et des nominations, décrété des arrestations, exercé un pouvoir despotique. Informations prisés, il s'était décerné lui-même cette mission, pour laquelle il n'avait reçu aucun mandat, et cette étrange fantai- sie ne tarda pas à être expiée. Pixerécourt avait trouvé le sujet bon à traiter : ce ne fut point l'avis du Comité de surveillance, qui avait été mystifié et trouvait mau- vais qu'on insistât sur sa mésaventure.

Réformé à la suite d'un accident, sans avoir eu le lemps de faire ses preuves sur les champs de bataille, il se trouvait en butte à la rancune ombrageuse des