44 LE MÉLODRAME
dehors de l'insensibilité. Mais ce n'était pas seulement durant les années scolaires qu'il avait exercé son auto- rité.
Guilbert de Pixerécourt faisait ses études de droit au moment de la Révolution. Il est facile d'imaginer que, avec ses idées d'autorité, elle fit horreur au major. Vieux .royahste, il exigea que le jeune homme, qui avait dix-sept ans, émigrât en 1791, et allât rejoindre, à Coblentz, la Légion de Condé, et voici donc le futur auteur dramatique, ne pouvant songer à résister à la volonté paternelle, émigré malgré lui, revêtant l'uni- forme bleu de ciel avec collet et parements orange, et chantant comme les autres :
Fouettez par-ci, pendez par-là Ces avocats, ces renégats, Ces scélérats du haut en bas Que de Jacobins on pendra !
Pixerécourt est volontiers d'humeur aventureuse, et il prend son parti. Il est envoyé h Erntz, puis à Co- cheim, puis à l'armée des Ardennes : huit mois de campagnes stériles, de fatigues sans résultats, de dan- gers sans gloire, et il voit de près les divisions des chefs de l'émigration ; quelque lassitude le prend, bien que son père lui ait ordonné <( de ne pas rentrer en France avant la fin de la crise )> et, se rencontrant, près de Namur, au château d'Andoy, avec le duc d'En- ghien, il lui demande l'autorisation d'aller passer un mois dans son pays.
Il se travestit en mendiant et arrive à Pont-à-Mousson sans encombre ; mais là, ses haillons, qui contrastent avec sa bonne mine, semblent suspects. Un aubergiste le signale à des gendarmes, qui Im donnent la chasse; il leur échappe. Il gagne Nancy, où sa mère hésite à le reconnaître sous ce costume singulier, puis un village, Nomexy, dont le maire, un de ses parents, lui procure un passeport pour Paris. A Paris, il a la