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LE MÉLODRAME 23

Dorval, qu'un désespoir d'amour, la mort de sa fiancée Eugénie, a poussé à se réfugier dans un mo- nastère, a percé la sombre duplicité du P. Laurent (le (( traître »). Il se révolte contre son autorité, mais le châtiment suit aussitôt cette révolte : il est jeté dans un cachot souterrain, sinistre in-pace, où se trouvent « deux tombes noires ».

La scène est divisée en deux parties. Un autre cachot voisine avec le premier : c'est là que se consume dans les souffrances cette Eugénie, que Ton croit morte, et qui a été enlevée par le P. Laurent. Elle exhale ses plaintes dans un de ces longs monologues emphatiques que conservera Pixerécourt.

O que le sommeil des malheureux est pénible... Quoi ! porter jusqu'au sein du repos le. souvenir de ses douleurs et le sentiment de ses peines ! Si la faiblesse, et l'anéantis- sement que j'éprouve ferment un moment ma paupière, des songes affreux m'agitent... un spectre gémissant se pré- sente... il voudrait pénétrer dans ma tombe... Le sommeil fuit, et mes yeux s'ouvrent pour observer la mort qui savance, etc.

Son bourreau vient la tourmenter, comment le fe- ront les traîtres du mélodrame :

Objet de haine et de fureur (c'est pour n'avoir pas cédé aux vœux du P. Laurent qu'Eugénie est retranchée du monde), expie ici le crime que mon cœur n'a jamais pu pardonner... Vis, pour mourir à chaque instant du jour... du jour que tu ne verras plus !

Dans l'autre cachot, Dorval se désespère aussi : (( Des voûtes... des murs impénétrables... une porte de fer... et rien. » Cependant dans cette demi-obscurité, ses yeux se portent vers une des tombes ; un instinct le porte à en soulever la dalle. Il frissonne en décou- vrant le cadavre qui gît là... Mais à côté du mort, il aperçoit un papier, sur lequel on a écrit avec du sang, et il lit, frémissant :

Qui que tu sois, protite de mes vains travaux {s'interrom- pant). Juste ciel ! {continuant). Depuis vingt ans que je péris