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LE MÉLODRAME 19

toujours renaissantes de la vie, si ce n'est au mélo- drame ! ))

Une fois lancé, Nodier, qui avait des euphémismes exquis pour amnistier le style du mélodrame, en di- sant (( qu'il enveloppait parfois la vérité d'ornements superflus », développait cette thèse en avocat, ayant toutes les apparences de la conviction. Il voyait en lui une contre-épreuve — éloignée, sans doute — de la tra- gédie grecque, prêtant comme elle « un habile et puis- sant auxiliaire à la Providence, en la démontrant par les faits ». Dans le monde antique, c'était le poète qui maintenait le culte des devoirs. Le mélodrame (la poé- sie en moins, hélas !) dans un thème toujours le même, à travers la variété de l'action, résume l'enseignement de toutes les philosophies et de toutes les rehgions en donnant l'horreur du mal... Encore qu'il parlât de lui généralement sans modestie, encore qu'il fût bien près d'estimer qu'il avait reçu une mission supérieure, Pixerécourt eût-il osé, alors qu'il punissait le traître au dénouement, de la façon ingénieuse que lui suggé- rait son imagination, se juger aussi favorablement ? « Qu'on n'aille pas s'y tromper, ajoutait Nodier, haus- sant encore le ton, ce n'était pas peu de chose que ^e mélodrame ; c'était la moralité de la Révolution ! (1). »

L'effet du mélodrame sur l'âme populaire, le bon sei- gneur de l'Arsenal le voyait dans la diminution des crimes pendant les années de triomphe de ces pièces aboutissant, par essence, à l'apologie de la vertu. Mais ces années-là correspondirent aux temps de l'Empire, ou de sa préparation, et la police n'avait jamais reçu une plus forte organisation, qui pouvait, autant que le

(1) Nodier inspirera des mélodrames. Tout le monde mettra à la scène, d'une façon plus ou moins franche, son Jean Sbn- gar, bandit et gentilhomme. Et il se mêlera quelque peu de travailler au Vampire. Voir, dans les Mémoires d'Alexandre Du- mas, l'amusant chapitre où Nodier se donne le luxe de sif- fler la pi^ce dont il est l'auteur anonyme.