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Ji33 LE MÉLODRAME

■ Puis la foi manqua à ce public, qui avait jusqu'alors tout accepté, un esprit de scepticisme s'éveilla en lui, ou un autre genre de merveilleux le séduisit. Sans doute, il était temps de remuer d'autres passions et de créer d'autres types, dussent-ils devenir poncifs, à leur tour ; il était temps de jeter d'autres broderies sur les fictions du théâtre et de renouveler une langue vraiment misérable, fût-ce par 'un autre genre d'em- phase, par le pittoresque artificiel, par le cliquetis des oppositions romantiques dont va se parer le drame populaire, suivant, à distance, le mouvement qui trans- forme les scènes littéraires, se réveillant aux fanfares sonnant les grandes batailles...

- Le vieux mélodrame paraît alors un fantôme, au milieu de ce théâtre frénétique. Mais il arrive à ce fantôme d'emprunter au répertoire nouveau un man- teau couleur muraille, ou les glorieux haillons qui sont à la mode, et, sous ce travestissement et en chan- geant, autant qu'il le peut, le son de sa voix, de se risquer encore sur la scène qui lui appartenait na- guère. Il arrivera, avec ces précautions, à faire parfois un moment illusion et à n'être pas reconnu tout (':; suite. Mais à quels reniements ne sera-t-il pas con- traint, pour jouer son rôle, et, au milieu d'un cortège de jeunes hommes fatals, de parias, de révoltés, de belles et frémissantes coupables? Il devra même jeter quelques défis contre cette Providence, dont il dispo- sait familièrement, et qui, les mains pleines de justes et inflexibles arrêts, accourait docilement au signal convenu, à l'heure fixe, à la dernière scène du der- nier acte...

FIN