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LE MÉLODRAME 219

Feydeau et qui, en 1805, retourna à l'Opéra-Comique. C'était un musicien excellent, qu'on plaindrait d'avoir dû écouter tant de fois Roland de Monglave et autres mélodrames analogues, s'il n'avait lui-même composé, pendant la Révolution, des opéras sur des poèmes aussi étranges. Il donnait, pendant les entr'actes, de la musique classique, qu'il interprétait avec amour (1).

Il fut remplacé par Alexandre Piccini, le neveu de l'audacieux rival du grand Gluck, plus fécond encore que Quaisin, et qui ne songeait point à donner la mu- sique des autres, car il aimait beaucoup la sienne, et il en composait inlassablement, non satisfait d'accom- pagner d'accents congruents les fortes émotions du mélodrame, de Robinson Crusoé à la Pie voleuse, de la Tête de mort à la Dame du Louvre, et écrivant en- core des opéras-comiques et des romances. Il vécut assez longtemps pour voir le public sourire de ce qu'il avait naguère tant aimé, car il s'éteignit, octogénaire, en 1850. Il y a une lettre de lui où il regrette le beau temps, et où il se mêle de critique : «Naguère, on se bor- nait à trois actes; aujourd'hui, on dédaigne cette coupe, on fait cinq actes, souvent précédés d'un prologue. Tous les sujets ne se prêtent pas à cette grande éten- due ; aussi, combien de ces ouvrages modernes dont les premiers actes sont inutiles à. l'action, nuls, en- nuyeux. » C'est qu'on ne lui demandait plus la mu- sique de ces pièces. La plupart de ceux qui ont survécu au mélodrame ont gardé ce ton chagrin. Ils avaient encore dans l'oreille le bruit des applaudissements d'autrefois, et ils concevaient mal qu'il ne se fût pas prolongé.

Au cours de sa longue carrière, il avait été accompa- gnateur à l'Opéra, et, avec une égale satisfaction, ac- compagnateur à la chapelle de l'Empereur et à celle du Roi.

(1) Un hiver à Paris sous le Consulat, lettres de A. Reichardt.