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14 LE MÉLODRAME

drame pourrait — à grande distance — se recomman- der encore des préceptes de Lope de Vega, qui dans son Art dramatique estimait le pathétique mêlé au rire « conforme à la nature » et préconisait Tharmonie des contraires. « En mêlant le tragique et le comique, vous aurez une partie de la pièce qui sera sérieuse et l'autre qui sera bouffonne. Mais cette variété plaît beaucoup. La nature même en donne l'exemple et c'est de ces contrastes qu'elle tire sa beauté. » Cette partie comique, dont Guilbert de Pixerécourt, régulateur du genre, fera une règle essentielle du mélodrame, on ne l'y introduira cependant pas du premier coup. Il n'y a pas d'apparence de comique dans Victor ou V Enfant de la Forêt (22 prairial, an VI). Il est vrai que Pixerécooirt n'a pas encore légiféré quand il donne cet ouvrage, d'abord destiné à la scène lyrique et dont, dans un mo- ment d'impatience contre les sociétaires du Théâtre Favart, il a brusquement supprimé la musique, pour la porter à l'Ambigu. Il n'y a pas de comique non plus dans le Jugement de Salomon^ de Caigniez, qui fit ga- gner une fortune à l'Ambigu.

La formule complète se dégagera avec Cœlina ou VEnfant du Mystère (2 septembre 1800) et le mélo- drame aura désormais ses lois : quatre personnages essentiels : le troisième rôle, tyran ou traître, souillé de tous les vices, animé de toutes les passions mau- vaises — une femme malheureuse ornée de toutes les vertus — un honnête homme protecteur de l'innocence — le comique ou le « niais », selon le terme consacré, qui fera surgir le rire au milieu des pleurs. Le traître oersécuiera la victime, celle-ci souffrira jusqu'au mo- ment où son infortune étant au comble, l'honnête homme arrivera opportunément pour la délivrer et tirer de son ennemi une vengeance exemplaire, assisté du comique qui se rangera traditionnellement du côté des opprimés. Le style sera imposant par son emphase et par le luxe des maximes morales semées au cours