Page:Ginisty - Le Mélodrame, Michaud.djvu/189

Cette page n’a pas encore été corrigée

LE MÉLODRAME - 183

sa prétention, un soutien de l'ordre providentiel, quand il commençait par remuer tant de passions violentes ? N'était-il pas à craindre qu'un malfaiteur prît, dans ces pièces « barbares », des leçons de scélératesse ?

Quel jargon parlait le mélodrame ! Avec quelles libertés il dénaturait l'histoire ! De quelles erreurs il nourrissatt le public, « en brouillant les époques et les faits » ! Quelles idées fauses il répandait !

Comment, alors qu'il faisait tant de vacarme, enten- dre encore des œuvres aimables et discrètes ? Que devenait, avec lui, le culte des gloires littéraires ? On courait à un abîme. Cette caricature du commencement du siècle, montrant Melpomène et Thalie mises en fuite par le mélodrame, brandissant un poignard et suivi d'une bande de brigands, n'avait-elle été que trop prophétique ? Et le réquisitoire se dépitait d'être obhgé à cette constatation : <( Jadis ce genre n'était goûté que des bonnes et des enfants : aujourd'hui, la meilleure société déserte les grands théâtres pour s'en- fermer à l'Ambigu. » C'était évidemment là ce qui était le plus sensible à ces défenseurs du goût.

De son côté, le classique Dictionnaire r/énéral des Théâtres^ <( rédigé par une société de gens de lettres », faisait une altière déclaration pour expliquer qu'il dédaignait d'analyser les mélodrames, même ceux qui avaient obtenu le plus de faveur. Il qualifiait ce genre de pièce de monstre informe, (( d'autant plus facile à enfanter qu'on peut emprunter toutes les parties qui le constituent ». Et, lui aussi, il finissait en se lamentant de ce que les théâtres du boulevard regor- geassent de spectateurs, « tandis que, aux Français, on prêchait dans le désert ».

Michel Hennin venait à la rescousse dans sa bro- chure, De Vanarchie théâtrale et demandait l'interdic. tion de tout mélodrame mettant en scène (( des rois détrônés, des princes dépouillés, des sujets rebelles,