Le peuple aime naturellement le spectacle... il sent lui-même la grossièreté des turpitudes dont on l'empoisonne... Quel sera l’auteur qui songera à ce bon peuple, qui lui donnera une nourriture saine et agréable, qui présidera à ses plaisirs honnêtes et lui apprendra à les goûter ? »
C'est dans la polémique engagée par Mercier contre La Harpe, soutenant qu'il ne faut travailler que pour une « classe d'hommes choisis », que l'auteur du Tableau de Paris, qui est aussi l'auteur de l’Essai sur l'art dramatique, décrit, en quelque sorte, le mélodrame futur, en assurant que l'écrivain dramatique a une mission à remplir vis-à-vis du peuple (Mercier ne craint pas d'abuser de ce mot). « Le spectacle est un tableau ; il s'agit de rendre ce tableau utile ; c'est-à-dire de le mettre à la portée du plus grand nombre, afin que l'image qu'il présentera serve à lier entre eux les hommes par le sentiment victorieux de la compassion et de la pitié... Ce n'est pas assez que l'âme soit occupée, soit même émue : il faut que le but moral, sans être caché ni trop offert, vienne saisir le cœur... » Et ailleurs : « Le poète dramatique est peintre universel : le manteau royal et l'habit de bure sont indifférents à son pinceau... Il n'a pas besoin de s'élever jusqu'aux nues pour parvenir à loucher... une vérité intéressante, une maxime juste, un tableau touchant, et il verra tous les cœurs s'émouvoir, il les soulèvera avec le fil puissant qu'il tient en main. » C'est ce que répétera Guilbert de Pixerécourt dans ses innombrables préfaces ou post-faces, en disant que les ignorants avaient droit au plaisir du théâtre et qu'il l'a mis à leur portée, soucieux de laisser un enseignement moral. Mais ces déclarations étaient appuyées par l'expérience du succès, que connut beaucoup moins Mercier, quand il s'avisa de passer de la théorie à la pratique.
Parmi les prophètes du mélodrame, il est peut-être assez curieux de rencontrer un homme qui fit de la
