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164 LE MÉLODRAME

TAllemagne, et qui châtie les criminels que n'attei- gnent pas les lois (sans me flatter, je crois que j'em- bellis un peu, malgré moi, la conception de Cuvelier). C'est devant ce u tribunal invisible » tenant ses séances au fond d'une mine, que le baron Evrard, assassin de sa sœur, bourreau de son père, ravisseur dé son ne- veu, est cité, et poussé par une force étrange, il se sou- met à son jugement.

Le baron. — Où suis-je ? Quelle est donc la puissance qui vient de m'enchaîner? Cette stupéfaction générale à ce mot ; Tribunal invisible !... cet abandon des miens... Et plus que tout le reste, cette voix, cette voix qui m'a porté là... {mettant la main sur son cœur), cette démarche, ce ton qui me rappelle.. Ma tête s'égare... Je crois voir les ossements de mon père se réunir et me présenter un corps animé {très égaré). Oui, je le vois, c'est lui... son doigt m'indique la foudre vengeresse. Sa voix tonne, il s'écrie : « Malheureux, tu as assassiné ton père. » La nature frémit à ce cri lamen- table, et l'écho répète au loin : « Malheureux, tu as assas- siné ton père ! » {Il tombe accablé dans les bras de Franck- bar, capitaine de ses gardes.)

Avant quelque récit, les personnages emploient vo- lontiers cette formule : « Ecoutez et frémissez ! » Les procédés ne sont pas non plus des plus ingénieux. Le baron, pour découvrir la retraite d'Astolphe, n'a eu qu'à trouver un portefeuille, bourré de papiers indi- quant son origine. (( — Laisse-le-moi, dit-il au niais de la pièce, le paysan Goglug, qui veut le lui arracher, ou je te perce le sein ! » Au demeurant, Cuveher a aussi des aphorismes plein la bouche. (( Quand l'homme ver- tueux s'expose pour sauver l'innocence, le ciel sourit à sa témérité. » Il en a aussi à l'usage des traîtres. <( Il n'y a de vrai dans les terreurs de la conscience que la faiblesse des organes de l'homme. » Mais ces traî- tres s'abusent et reviennent à l'épouvante de leurs forfaits : « La prospérité du crime ne serait-elle qu'il- lusoire? Le ciel lui refuserait-il cette satisfaction inté- rieure qui embellit l'existence de tous les charmes d'une douce tranquilUté ?... »