Page:Ginisty - Le Mélodrame, Michaud.djvu/162

Cette page n’a pas encore été corrigée

156 LE MÉLODRAME

résolu de se procurer de l'argent, à tout prix, pour aller jouer encore. Ce n'est que lorsqu'il l'a frappé qu'il le reconnaît. Du moins expie-t-il son crime en se pré- cipitant dans les tlammes d'une cabane qu'il avait incendiée pour essayer de faire disparaître les traces de son forfait (1).

Trente ans ou la Vie d'un Joueur ! Le succès fut inépuisable, et il y a vingt ans, cette pièce se jouait encore dans les provinces. Victor Ducange, qui fit Pol- der ou le Bourreau d' Amsterdam avec Pixerécourt, composa, avec Anicet-Bourgeois, une pièce bizarre et absurde, Sept heures ! Anicet-Bourgeois, le futur col- laborateur de Pixerécourt pour Latude^ et qu'il sem- blait désigner comme son successeur, se trouve avoir appartenu à deux époques. Il avait eu les leçons des maîtres du genre, de beauco-up ses aînés. 11 devait plus tard, à son tour, tendre la main à d'Ennery, être l'homme de transition entre le mélodrame et le drame, se ressemblant souvent beaucoup, à vrai dire (2). L'ab- surdité de Sept heures peut, jusqu'à un certain .point, être attribuée à la censure. La pièce avait été évi- demment, à l'origine, une Charlotte Corday. En 1829, il paraissait impossible de mettre Marat à la scène.

(1) Victor Ducange avait eu encore pour interprète principal Frederick Lemaître, et à côté de lui, Mme Dorval. Il eut l'heu- reuse fortune d'avoir des acteurs incomparables, qui donnaient la vie à son théâtre, et, par leur jeu pathétique, faisaient ou- blier l'étrangeté du style.

(2) Après la Révolution de 1830, Anicet-Bourgeois fut l'un des premiers auteurs dramatiques usant des libertés nouvelles, qui permettaient de mettre à la scène des hommes de la Révolu- tion et de l'Empire. Il donna, à l'Ambigu, un bien singulier Robespierre. Dans cette pièce, Robespierre n'est que le jouet d'un agent royaliste qui, sous un faux nom, s'est Introduit au- près de lui. C'est cet agent qui, dans sa haine des institutions républicaines, place sur les listes fatales de la Terreur les amis eux-mêmes du président du Comité de Salut public, sur lequel il a pris une toute-puissante influence. L' « agent roya- liste », c'était le baron de Batz. Celui-ci était mort en 1822, Anicet-Bourgeois, assisté de son collaborateur Francis Cornu, n'avait pas attendu longtemps pour lui prêter ce rôle fantal-