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d'une certaine affection pour lui, et ce fut ce doyen qui présenta lui-même au foyer son collaborateur.

Le succès de la Pie Voleuse ou la Servante de Pa- laiseau où débuta Jenny Vertpré, a la plus petite ac- trice par la taille, disait Harel, la plus grande par le talent, après Mlle Mars », fut considérable. Autour de l'anecdote fameuse, une action assez corsée avait été imaginée pour accumuler la sympathie sur Tinfortunée servante, accusée du vol d'un couvert d'argent. An- nette, la plus tendre des filles, est vraiment victime d'incroyables malchances ! C'est pendant qu'elle range l'argenterie de sa maîtresse, Mme Gervais, que son père, vieux soldat, fuyant les suites d'un acte d'in- discipline, lui apparaît soudain sous un travestisse- ment. Il est à bout de ressources, il ne possède qu'un couvert d'argent. Il ne peut le vendre lui-même. Il de- mande à sa fille de se charger de cette opération, en la priant de remettre l'argent dans le tronc creux d'un vieil arbre

Mme Gervais compte son argenterie, constate la dis- parition d'une pièce, prévient le bailli de Palaiseau, fort mal disposé à l'égard d'Annette, car il lui a fait un doigt de cour, et il a été fort mal reçu. Le bailli

grâce permet de sauver l'un d'eux. Ils tirent au sort pour que le hasard décide de celui qui aura droit à la vie. Celui que le sort a désigné pour être fusillé, s'évade, mais pour quelques heures seulement, afin d'aller faire ses adieux aux siens. Le gracié reste seul, mais l'heure de l'exécution arrive, et l'autre ne revient pas. Non par sa faute, certes, mais parce que, en revenant, des obstacles imprévus l'ont arrêté en route. L'heure de l'exécution arrive. Il faut une victime : c'est donc le sergent qui avait le droit de vivre qui va tomber sous les balles, et déjà les soldats apprêtent leurs armes lorsque le condamné arrive pour reprendre sa place devant le fatal peloton. On ne doute pas que l'un et l'autre seront sauvés. C'était le sublime dans l'absurde. Daubigny donna aussi le Courrier de Naples, qui était l'ébauche du futur Courrier de Lyon, en collaboration avec Boirie et Pujol ; le Pauvre berger, en collaboration avec Carmouche. Il fallait être bien pauvre, en effet, pour accepter de se laisser condamner à mort pour un autre : c'était le cas du « pauvre berger ».