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LE MÉLODRAME 131

— Mâtin! lui disait-il, vous êtes difficile... Cet habit-là, mon cher, a servi à M. Baptiste pour jouer le Glorieux.

Saint-Romain gardait un certain respect pour les vieux auteurs, même ceux-là qu'on ne jouait plus de- puis longtemps. Il avait quelque orgueil de voir ces débris dans son foyer de la danse, où ils se retrou- vaient, et, après avoir compté la recette lui-même, il venait causer ave eux. l\ y avait, parmi les assidus, Pelletier de Volmeranges, qui avait écrit naguère des comédies larmoyantes, fabriquées avec des phrases d'une incommensurable longueur ; Cubières de Palmai- zeaux, qui avait naguère refait à sa façon le Phèdre de Racine et qui venait de publier les Hochets de Ma Jeunesse, ce qui risquait de faire dire qu'il retombait en enfance ; Félix Nogaret, qui avait été cen'Seur sous l'Empire, flairant les allusions et dépistant les rappro- chements. C'est lui qui, examinant une pièce de Rouge- mont, au temps où M. Dubois était préfet de police, ter- minait son rapport en disant : « Il y avait dans cette pièce un valet fripon du nom de Dubois ; j'ai eu grand soin de l'effacer, par respect pour M. le Préfet de Police. » Parfois venait là Prévôt, l'ancien directeur du Théâtre Sans-Prétention, où il n'avait joué que ses pièces, celui qui avait dit, en parlant de Napoléon, après le décret de 1807, fermant brutalement tant de théâtres secondaires :

— Cet homme-là m'a bien trompé... Vous verrez où cela le conduira.

Brazier, Merle, Théaulon, Sewrin, passaient parfois une partie de la soirée au foyer de la Porte-St-Martin, attendant que le théâtre revînt au genre gai. Le vau- deville n'en était d'ailleurs pas proscrit, et accompa- gnait sur l'affiche le mélodrame. Caigniez, Victor Du- cange, Boirie, Saint-Clair, représentaient les mélodra- matistes, à qui Martainville, qui allait partout, déco- chait quelques traits, en traversant le foyer»