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porte, pour son assassin. Les aphorismes solennels n'abondent pas moins chez Caigniez que chez Pixeré- court. L'Ermite du Mont-Pausilippe (qui devait être un des rôles de début de Frédérick-Lemaître, à l'Ambigu, en 1823, dans une reprise de cette pièce), Jean de Ca- lais, Henriette et' Adhémar, Edgar ou la Chasse au loup se succèdent, avec des fortunes heureuses.

Puis Caigniez régna, quelque temps, à la Porle- Saint-Martin, dont il était du moins l'arbitre, jouissant delà roiifiance du directeur Saint-Romain. La physiono- mie intime de ce théâtre peut être amusante à évoquer, en ces années lointaines, où il y avait un foyer, réunis- sant les auteurs et les amis de la maison, institution qui s'est perdue peu à, peu. Chaque théâtre avait le sien, centre de conversation, à une époque où on atta- chait encore du prix à cet art aimable, et où l'on esti- mait n'avoir pas perdu sa soirée, si l'on avait fait un mot paraissant spirituel. Saint-Romain, ancien comé- dien de province, était personnellement dénué de toute littérature, mais il se plaisait parmi les gens de lettres et il aimait donner des conseils aux jeunes auteurs qu'il encourageait dans la voie fructueuse — au moins pour lui — du mélodrame.

Jouslin de Lasalle, qui exerça longtemps des fonc- tions multiples à la Porte-Saint-Martin, avant de deve- nir l'homme à tout faire de la Comédie-Française, a dessiné un assez amusant croquis de ce Saint-Romain, administrateur économe, ne se livrant à quelques dé- penses qu'à coup sûr, ignorant, mais ayant du flair, traitant ses artistes, qu'il payait le moins possible, avec bonhomie. R utilisait volontiers d'anciems cos- tumes qu'il avait achetés d'occasion, mais il leur prê- tait une origine illustre.

Quand un de ses comédiens regardait avec mélanco- lie, le costume, un peu trop fané, qui lui était destiné, Saint-Romain hochait la tête, en connaisseur.